1.
Son père à lui, petit huissier nécessiteux, d'une jalousie maladive, le rossait en le traitant de bâtard, exaspéré de sa longue figure blême et de ses cheveux de chanvre, qui, disait-il, n'étaient pas dans la famille
2.
Bâtard était un démon
3.
« Suppôt de Satan », l’avait-on baptisé ; seul son maître, Leclère le Maudit, l’appelait du nom ignominieux de Bâtard
4.
Suivant un vieux dicton américain, lorsque deux diables se rencontrent, gare à la casse ! Aussi fallait-il s’attendre à du vilain le jour où Bâtard et Leclère associèrent leurs existences
5.
Lors de leur première entrevue, Bâtard était encore un tout jeune chien, maigre et affamé, aux yeux mauvais ; il grognait en montrant des crocs et une lueur haineuse brillait dans ses prunelles, car la lèvre supérieure de Leclère se retroussait comme celle d’un loup et découvrait des dents blanches et cruelles
6.
L’homme avança la main vers la portée de chiots et d’un geste violent saisit Bâtard par la peau du cou
7.
Ces deux êtres durent se deviner : au même instant, Bâtard planta ses petits crocs dans la main de Leclère et celui-ci faillit étouffer le chiot en lui serrant la gorge entre le pouce et l’index
8.
Bâtard n’avait pas connu son père ; d’où son sobriquet, mais John Hamlin savait que l’auteur de ses jours était un grand loup gris des forêts
9.
Bâtard hérita de ses parents une force extraordinaire et quantité de vices
10.
Au cours d’une de ces rossées, Bâtard eut une oreille déchirée et jamais les muscles de cet organe ne reprirent leur élasticité
11.
Lorsque Leclère ne donnait qu’un demi-poisson à Bâtard et un tout entier à chacun de ses compagnons, Bâtard volait la part de ceux-ci
12.
Leclère ayant une fois battu Bâtard et choyé Babette – qui était loin de fournir la même somme de travail que lui –, Bâtard renversa la chienne dans la neige et lui brisa d’un coup de crocs la patte de derrière, obligeant ainsi Leclère à l’abattre
13.
Dans les batailles rangées, Bâtard triomphait de tous ses camarades d’attelage, leur imposait la loi de la piste et du pillage
14.
Hommes et chiens regardaient Bâtard de travers lorsqu’il s’aventurait dans les campements
15.
Un jour, un trappeur décocha à Bâtard un coup de pied
16.
Tuer Bâtard, sacredam ! Leclère se réservait cette joie pour lui-même
17.
Tout le monde se demandait pourquoi Bâtard ne prenait point la fuite
18.
Leclère saisissait clairement et distinctement les intentions de Bâtard
19.
Leclère dormait paisiblement dans son sac de couchage en fourrure, lorsque Bâtard, jugeant l’instant propice, se faufila vers lui avec une souplesse féline, la tête rasant le sol et son oreille intacte rejetée en arrière
20.
Bâtard retenait son souffle et il ne releva la tête qu’une fois arrivé tout près de son maître
21.
Alors, sans un bruit, Bâtard se jeta sur le dormeur
22.
Mais les milliers d’ancêtres de Bâtard qui s’étaient accrochés à la gorge d’élans et de caribous pour les terrasser, lui avaient transmis leur expérience
23.
Bâtard, perdant le souffle et à demi épuisé par la lutte, devinait leurs mâchoires prêtes à le dévorer
24.
Leclère l’étouffa de ses deux mains et Bâtard, respirant à peine, dut détendre ses mâchoires pour laisser pénétrer l’air dans ses poumons
25.
Puis, voyant les autres chiens s’élancer sur Bâtard, il les chassa
26.
Bâtard reprit vite connaissance et au son de la voix de Leclère, il se releva, flageolant sur ses pattes
27.
L’air vif rentra, tel un vin généreux, dans les poumons de Bâtard et ranima ses forces
28.
De nouveau, Bâtard se rua sur lui, mais Leclère le renversa d’un coup de poing, l’assaillit et plongea ses dents jusqu’à l’os dans l’épaule du chien
29.
Leclère abattit son poing derrière l’oreille de Bâtard et l’étourdit
30.
Bâtard avait les pattes de derrière brisées avant que son tortionnaire s’arrêtât pour reprendre haleine
31.
Cependant, Bâtard ne s’avouait pas vaincu
32.
Enfin, épuisé par la perte de son sang, l’homme tomba à côté de sa victime, et, dans un ultime effort de volonté, se hissa sur le corps de Bâtard pour le protéger des crocs des chiens-loups qui se rapprochaient, avides de vengeance
33.
Cette scène se produisit non loin de Sunrise et le missionnaire, ouvrant sa porte à Leclère quelques heures plus tard, s’étonna de l’absence de Bâtard dans l’attelage
34.
Sa surprise ne fut pas moins grande lorsque le prospecteur rejeta les fourrures qui recouvraient le traîneau, prit Bâtard dans ses bras et, d’un pas chancelant, franchit le seuil de la cabane
35.
Bâtard traversait une crise encore plus grave, mais sa forte vitalité l’emporta, les os de ses pattes de derrière se ressoudèrent et ses organes se rétablirent durant les quelques semaines qu’il passa immobilisé sur le plancher à l’aide de courroies
36.
Quand Leclère, enfin convalescent, vint, pâle et tremblant, s’asseoir devant la porte pour se chauffer au soleil, Bâtard avait déjà réaffirmé sa domination sur les autres chiens, non seulement sur ses camarades d’attelage mais également sur ceux du missionnaire
37.
– Mon père, dit-il, ce Bâtard est un vrai démon
38.
Comme en réponse, Bâtard redressa son oreille intacte pour mieux entendre
39.
Bâtard fit rouler un grognement au fond de sa gorge, son poil se hérissa le long de son cou et, dans l’expectative, tous ses muscles se tendirent
40.
Au cours de ces interminables mois, Bâtard reçut mainte correction et il endura la torture de la faim, de la soif, du feu, et, la pire de toutes, celle de la musique
41.
Comme tous ses frères de race, Bâtard abhorrait la musique
42.
– Maintenant, nous allons faire un peu de musique, qu’en dis-tu, Bâtard ?
43.
Alors Bâtard, la gorge muette, les crocs serrés, reculait pouce par pouce jusqu’au coin extrême de la cabane
44.
Tout d’abord, Bâtard se ramassait sur lui-même ; puis, comme les sons devenaient de plus en plus proches, il se redressait, l’échine appuyée contre le mur, les pattes de devant battant l’air comme pour éloigner les vagues sonores
45.
Vingt-quatre heures après ces indicibles tortures, Bâtard demeurait effaré et les nerfs ébranlés, sursautant au moindre bruit, prenant peur de son ombre, mais toujours mauvais et autoritaire avec ses compagnons de trait
46.
Alors, Leclère sentait le besoin d’exprimer sa propre supériorité stimulé par les boissons fortes, la musique bruyante et Bâtard, il se livrait à des ébauches effrénées, opposait sa force mesquine à l’univers entier et bravait le présent, le passé et l’avenir
47.
comme ça ! Ah ! Ah ! Que c’est drôle ! Très drôle ! Le prêtre chante, les femmes prient, les hommes jurent, le petit oiseau fait cui cui, Bâtard fait ouaou ! ouaou !
48.
Bâtard lui-même, allongé sur le sol, se frottait les yeux et la gueule à l’aide de ses pattes de devant, pour s’en débarrasser
49.
Le Lambin attendait que Bâtard levât la tête
50.
Le prospecteur eût volontiers donné sa concession de Sunrise pour être certain que le chien n’était pas éveillé, et, à un certain moment, une de ses jointures ayant craqué, il jeta un vif coup d’œil vers Bâtard pour voir s’il se lèverait
51.
S’étant assuré que personne n’était en vue ou à portée de voix, Bâtard s’assit sur son train de derrière, retroussa sa lippe supérieure en esquissant un semblant de sourire, leva les yeux vers Leclère et se pourlécha les babines
52.
Bâtard s’approcha, son oreille inutile pendante et la bonne dressée en avant comme s’il comprenait la situation
53.
Bâtard recula de cinq ou six mètres, et, à son allure haineuse, Leclère devina ses intentions
54.
Bâtard s’arrêta et se tourna vers son maître, découvrant ses crocs en un rictus auquel Leclère répondit par une grimace
55.
Brusquement, Bâtard se rua en avant et, de toutes ses forces, fonça sur la caisse
56.
Le corps de Bâtard se tordit sous le coup de feu, ses pattes grattèrent spasmodiquement le sol pendant un instant, ses muscles se détendirent, mais ses crocs ne se desserrèrent point
57.
Si mon précieux amour n'était que l'enfant de la grandeur, la Fortune pourrait renier cet enfant bâtard, aussi sujet à l'amour ou à la haine du Temps que de l'ivraie cueillie au milieu de l'ivraie, ou des fleurs parmi d'autres fleurs
58.
Le bâtard de Vauru arrêta dans les champs un jeune villageois qui travaillait à la terre, le lia à la queue de son cheval, le traîna jusqu'à Meaux et le mit si fort à la gêne que le jeune homme pour faire cesser les tourments qu'il endurait, promit de payer la somme qu'on lui demandait, et beaucoup au-dessus de ses moyens
59.
— Oui, le roi l'a déclaré bâtard, l'a dépouillé de ses biens, lui a défendu de porter le nom de Winter
60.
C'est quelque bâtard de Milady
61.
—Et certainement! D'ailleurs tout millionnaire est noble comme un bâtard, c'est-à-dire qu'il peut l'être
62.
– Que voulez-vous dire, Jane ? Ne vous ai-je pas déclaré qu’Adèle irait en pension ? et qu’ai-je besoin d’un enfant pour me tenir compagnie, d’un enfant qui n’est pas le mien, mais bien le bâtard d’une danseuse française ? Pourquoi m’importuner d’elle ? pourquoi, je vous le demande, voulez-vous me donner Adèle pour compagne ?
63.
Et voilà qu’il se vit payant à Phydime, à ce « maudit bâtard de ciboire de Phydime », de quoi payer son avocat
64.
Nul n'est plus curieux d'apprendre quel âge a le gerfaut qu'on chaperonne, de quelles pièces le bâtard écartèle son écu, et à quelle heure de la nuit Mars entre en conjonction avec Vénus
65.
Mon enfant, la famille est une grande chose fermée; vous ne serez jamais qu'un bâtard
66.
Au reste la jeune grâce de Lafcadio l'avait séduit, et bien qu'il se doutât que son père, en faveur de ce frère bâtard, l'allait frustrer d'une parcelle de patrimoine, il ne se sentait à son égard aucune malveillance; même il l'attendait ce matin avec une assez tendre et prévenante curiosité
67.
Mais, entre nous, quel avantage pour le bâtard! Songez donc: celui dont l'être même est le produit d'une incartade, d'un crochet dans la droite ligne
68.
Le 27 septembre 1066, le jeune Guillaume le Bâtard débarquait à Vevensey avec plusieurs barons normands et quelques milliers de joyeux lascars dont les yeux ignoraient la honte des basses températures
69.
Bien que madame Barincq, maintenant qu’elle était en possession de la fortune de son beau-frère, n’eût plus rien à craindre du capitaine, elle le regardait toujours comme un ennemi : trop longtemps elle l’avait appelé le bâtard et le voleur d’héritage pour pouvoir renoncer à ces griefs contre lui alors même qu’ils n’avaient plus de raison d’être ; pour elle il restait toujours le voleur d’héritage que pendant tant d’années elle avait redouté et maudit
70.
– Votre bâtard de frère était un salaud et on a bien fait de le tuer, mais ce n’est pas moi, prononça-t-il froidement du chuchotement rauque qui lui était habituel
71.
Ce coiffeur illuminé n'ayant réussi, après trente ans de combinaisons, qu'à créer un tarot bâtard dont les clefs sont interverties, dont les nombres ne s'accordent plus avec les signes, un tarot, en un mot, à la convenance d'Etteilla et à la mesure de son intelligence qui était loin d'être merveilleuse
72.
Et pourquoi cet héroïsme de fourberies, tant de soin, tant de duplicité ? Pour me trahir plus sûrement, pour me dépouiller, me voler, pour donner à son bâtard tout ce qui m’appartient, à moi : mon nom, un grand nom ; ma fortune, une fortune immense
73.
J’étais bâtard, cher monsieur Tabaret ; très bâtard : Noël, fils de la fille Gerdy et de père inconnu
74.
– Toutes les lettres qui suivent, dit-il, portent la trace des préoccupations de mon père pour son bâtard
75.
» Je comparais, à ma vie triste et besogneuse, les grandes destinées du bâtard, et il me montait à la tête des bouffées de colère
76.
Il me prenait des envies folles de forcer les portes, de me précipiter dans le grand salon pour en chasser l’intrus, le fils de la fille Gerdy : « Hors d’ici, bâtard ! hors d’ici, je suis le maître ! » La certitude de rentrer dans mes droits dès que je le voudrais me retenait seule
77.
Le père qui a sacrifié son fils légitime à son bâtard est le comte Rhéteau de Commarin, et l’assassin de la veuve Lerouge est le bâtard, le vicomte Albert de Commarin
78.
La marquise est assez entichée de noblesse pour préférer le bâtard d’un gentilhomme au fils de quelque honorable industriel
79.
Cette coïncidence éveilla en moi l’idée funeste de sacrifier mon fils légitime à mon bâtard
80.
Étais-je réellement son père ? Comprenez-vous quel supplice était le mien, lorsque je me disais : c’est peut-être à l’enfant d’un étranger que j’ai sacrifié le mien ! Ce bâtard qui s’appelait Commarin me faisait horreur
81.
Cela me déplut si fort que, si j’avais été le maître, ma femme serait revenue sans ce bâtard
82.
C’est le comte, entends-tu, qui enrage d’avoir son bâtard chez lui, c’est le comte qui paye pour le changer
83.
Je me promis bien de ne pas perdre de vue notre petit bâtard, me jurant bien qu’on ne me l’escamoterait pas
84.
Ne sachant ce que je faisais, je tirai de ma poche un couteau catalan dont je me servais d’habitude, et empoignant le maudit bâtard, je lui traversai le bras avec la lame en disant : « Au moins, comme cela, on ne le changera pas sans que je le sache : il est marqué pour la vie
85.
» Elle était indulgente pour le merlan et la merlande qui lui avaient donné un chien de garde : Badour, un bâtard de fox-terrier
86.
Adroitement mise sur la sellette, cette vieille répondit qu’elle n’avait aucune connaissance d’un bâtard mis en nourrice dans les environs, mais qu’il fallait qu’il s’en trouvât quelqu’un, puisque c’était la troisième fois qu’on la questionnait à ce sujet
87.
Et ce ne fut pas en vain, car cette pierre aiguë frappa au front le conducteur de chevaux Kébrionès, bâtard de l'illustre Priamos
88.
il adore Dumas et il ne connaît pas le Bâtard de Mauléon
89.
Molard, c’est le Bâtard de Mauléon
90.
c’est privilégié ! Et quand il est mort, l’enfant naturel, mon enfant, et celui du gouvernement, autant dire, on me fait : « Ah ! c’était un enfant naturel, et vous avez demandé une permission pour le pleurer, cet enfant de rien, cet enfant de personne, ce bâtard
91.
— Nous ne pouvons pourtant pas garder un bâtard dans la maison!
92.
— Ma chère, elle ne veut pas le dire, le nom de l'homme; elle ne te l'avouera pas plus qu'à moi… et s'il ne veut pas d'elle, lui?… Nous ne pouvons pourtant pas garder sous notre toit une fille mère avec son bâtard, comprends-tu?
93.
Et Jeanne, dont les cris involontaires jaillissaient entre ses dents serrées, pensait sans cesse à Rosalie qui n'avait point souffert, qui n'avait presque pas gémi, dont l'enfant, l'enfant bâtard, était sorti sans peine et sans tortures
94.
— Mais tes parents sont fous, ma chère, fous à lier! vingt mille francs! vingt mille francs! mais ils ont perdu ta tête! vingt mille francs pour un bâtard!
95.
Bâtard, à moins que tu ne puisses opposer un préjugé à un autre préjugé, à moins que tu ne puisses doubler d'or le mystère de ta naissance, il te faut boire les dédains des descendances putatives
96.
Quant aux chiens, dédaigneux des pistes et des odeurs, nous leur accorderons ici des rôles de vedettes, puisque toute cette histoire va reposer sur l’un d’eux, le défunt Rover, chien berger à cette époque et suffisamment bâtard de race pour marcher le derrière plus haut que la tête et dont le museau, au naturel, ne quittait pas le sol
97.
« Que n’était-il resté seul dans son trou, lui, bâtard de mendiant et fils de prostituée, lui, ce pleutre, ce lâche, cet impotent, ce rien du tout ; comment avait-il eu l’audace de prendre un ménage, d’élever des enfants dans la boue et la vermine, pour en faire, comme lui, le rebut et la risée du monde
98.
À peine si, de loin en loin, ils découvrent un sujet bâtard de la grande famille
99.
À coup sûr vous n'avez jamais vu d'histoires où se rencontre un chevalier errant sans amours, car, par la raison même qu'il n'en aurait point, il ne serait pas tenu pour légitime chevalier, mais pour bâtard, et l'on dirait qu'il est entré dans la forteresse de l'ordre, non par la grande porte, mais par-dessus les murs, comme un larron et un brigand[96]
100.
C’est à croire qu’il est bâtard : l’argent lui tient aux mains