1.
En 1686, un chef de boucaniers, un frère de la côte, un des plus célèbres flibustiers des mers du sud, Williams Dampier, après de nombreuses aventures mêlées de plaisirs et de misères, arriva sur le navire le Cygnet au rivage nord-ouest de la Nouvelle Hollande par 16 degrés 50 de latitude; il communiqua avec les naturels, et fit de leurs moeurs, de leur pauvreté, de leur intelligence, une description très complète
2.
Il revint, en 1689, à la baie même où Hertoge avait débarqué, non plus en flibustier, mais en commandant du Roebuck, un bâtiment de la marine royale
3.
, le célèbre flibustier de Toula, qui est passé aux assises dans l’affaire de la banque V
4.
— D'abord sachez, Monsieur, qu'il n'y a pas de Lafcadio de Baraglioul, dit-il en déchirant la carte et veuillez avertir Monsieur Lafcadio Wluiki, puisqu'il est de vos amis, que s'il s'avise de jouer de ces cartons, s'il ne les déchire pas tous comme je fais celui-ci (il le réduisit en très petits morceaux qu'il jeta dans sa tasse vide), je le signale aussitôt à la police, et le fais arrêter comme un vulgaire flibustier
5.
» Oh ! Je ne te reproche en aucune façon de m’avoir enrôlé bon gré mal gré parmi tes flibustiers
6.
C’était lui : mais il n’a pas plus l’air d’un flibustier que toi et moi ! J’imaginais voir une espèce de barbe-bleue, avec une épaisse crinière, des yeux féroces, eh ! bien, ce n’est rien de tout cela ; c’est tout simplement un beau grand brun, avec une légère moustache noire
7.
Mais il s'était trompé dans ses conjectures; car à peine l'ex-flibustier eut-il ingurgité le breuvage, qu'une réaction s'opéra subitement dans ses manières
8.
Il était, d’instinct, contrebandier, flibustier, maraudeur, pirate, conspirateur, et surtout chef de bande
9.
À bas, odieux et funèbre pantin ! Noyé, là comme Mathias Pascal ! Chacun son tour ! Cette ombre de vie, issue d’un mensonge macabre, aurait sa digne conclusion dans un mensonge macabre ! Et je réparais tout : Quelle autre satisfaction aurais-je pu donner à Adrienne pour le mal que je lui avais fait ? Mais l’affront de ce flibustier, devais-je le garder ? Il m’avait attaqué par traîtrise, le lâche ! Oh ! j’étais bien sûr de n’avoir pas peur de lui
10.
Mais il ne les reconnaît pas pour ses sujets, titre que, du reste, les flibustiers ne voudraient pas accepter
11.
Les flibustiers sont gens hardis et surtout clairvoyants et rusés comme des singes
12.
Ils savaient que c’était là que les flibustiers, semblables à des oiseaux de proie, s’embusquaient pour fondre au passage sur les navires espagnols, retournant en Europe richement chargés
13.
Bientôt les flibustiers s’endormirent d’un lourd sommeil, interrompu à plusieurs reprises pendant la nuit ; mais le lendemain, grâce aux soins qui leur avaient été donnés, ils sentirent leurs forces renaître, et se trouvèrent en état de raconter ce qui leur était arrivé, et à la suite de quels événements ils avaient été jetés sur cette caye déserte où, s’ils n’avaient pas été recueillis par le canot, ils seraient morts de faim et de soif
14.
Le plus grand, le capitaine Barthélemy, un des plus célèbres flibustiers de la Tortue, était parti quelques jours auparavant de Port-Margot, dans une légère pirogue, montée par un équipage de quarante hommes bien armés, pour aller, ainsi qu’il le disait, à la chasse aux Espagnols
15.
Les flibustiers s’étaient sans hésiter lancés à sa poursuite ; mais cette fois ce n’était pas à des galions qu’ils avaient affaire, mais à rien moins qu’un vaisseau espagnol, armé de soixante canons, et monté par un équipage de sept cents hommes
16.
À peine les flibustiers avaient-ils mis pied à terre et, après avoir soigneusement caché le canot sous les broussailles, se préparaient-ils à prendre la direction de Port-Margot, qu’un grand bruit se fit entendre à une courte distance de l’endroit où ils avaient débarqué ; à ce bruit, se mêlèrent bientôt quelques coups de feu accompagnés de cris de menaces
17.
Le secours si inattendu qui arriva à l’improviste au flibustier, changea immédiatement les chances du combat
18.
Les Espagnols détalèrent sans attendre leur reste ; laissant ainsi les flibustiers maîtres du champ de bataille
19.
Les flibustiers, après avoir consciencieusement assommé à coups de crosse les blessés qui râlaient encore, réussirent enfin à faire entendre raison à leur farouche camarade, qui n’était rien moins que le capitaine Montauban ; puis, les présentations faites, les salutations échangées, les cinq hommes se dirigèrent de compagnie sur Port-Margot, riant entre eux de l’aventure du capitaine qui, croyant aller à un rendez-vous d’amour, était tombé dans une embuscade espagnole
20.
Heureusement pour nous, ils ignoraient notre nombre ; ils nous croyaient bien plus forts que nous n’étions ; de plus ils ont une invincible terreur des flibustiers
21.
Il est vrai que, s’ils ne succombaient pas à la peine, ce dur apprentissage terminé, ils étaient libres ; jouissaient des mêmes immunités que leurs anciens maîtres ; devenaient habitants, boucaniers ou flibustiers, Frères de la Côte enfin
22.
Le boucanier chargé par intérim du commandement, pendant l’absence du capitaine, après avoir donné l’ordre de conduire le comte Horace au pied du grand mât et de l’y attacher, fit les signaux qui avaient si brusquement interrompu la conversation du flibustier et de M
23.
– Vous me la baillez belle avec Mme de la Torre et sa fille ! reprit le fougueux flibustier, qui semblait avoir un parti pris à ce sujet ; qu’est-ce que cela me fait, à moi ! Plus elles sont belles et sages en apparence, plus elles sont dangereuses ! Oh ! les femelles ! Voyez-vous, l’Olonnais, mon garçon, moi Vent-en-Panne, le terrible flibustier, comme on me nomme, eh bien ! sur mon honneur, je préfère attaquer seul une cinquantaine d’Espagnols que d’avoir affaire à une femme !
24.
– Je l’ai ainsi pensé, commandant ; voici pourquoi je suis venu en toute hâte ; s’il se fût agi d’une affaire entre flibustiers, rien n’aurait été plus simple : je l’aurais arrangée à la boucanière
25.
Ou l’Olonnais et Pitrians, après avoir refusé les présents d’Artaxercès, sont comblés d’honneurs par les plus célèbres flibustiers
26.
À notre avis, tout cela est faux ; les flibustiers ont été méconnus ou, pour mieux dire, on ne les a jamais compris
27.
Les flibustiers étaient des hommes dans toute la large acception du mot ; avec tous les vices et toutes les vertus de l’espèce
28.
Les flibustiers étaient des hommes à l’organisation puissante et virile, aux aspirations altières, qui, ne pouvant se courber sous aucun joug, étouffaient au milieu de la civilisation barbare, despotique et féodale de la vieille Europe
29.
À l’époque où se passe cette histoire, les flibustiers étaient à l’apogée de leur puissance ; ils régnaient en maîtres, non seulement sur l’Atlantique, mais souvent leurs vaisseaux redoutés avaient sillonné les eaux de l’océan Pacifique et porté la ruine, le désastre et la mort dans les comptoirs si riches et si nombreux des Espagnols
30.
Le digne gentilhomme avait été, dans son temps, flibustier lui-même ; il connaissait par conséquent ses administrés de longue date, et savait à quelle espèce de pèlerins il avait affaire
31.
de Lartigues, composée des vaisseaux le Robuste, le Santiago et du trois-mâts le Coq, était entrée dans la rade de Léogane et avait jeté l’ancre sur une seule ligne, juste en face de la ville, au milieu d’une vingtaine de bâtiments flibustiers de toutes sortes et de toutes grandeurs ; depuis la pirogue longue à cinquante rames, jusqu’à la frégate de cinquante canons ; il va sans dire que tous ces bâtiments, à bien peu d’exceptions près, étaient de construction espagnole
32.
Ces paroles furent accueillies avec une satisfaction générale par les célèbres flibustiers qui se trouvaient là ; et tous se connaissaient en hommes
33.
– À mon tour maintenant, dit, en se levant, un des flibustiers
34.
Eux, pauvres matelots sans feu ni lieu la veille, ils marchaient de pair et étaient les égaux des hommes, non seulement les plus riches, mais encore les plus nobles ; nul maintenant n’aurait osé leur faire une injure, sans leur donner la satisfaction à laquelle ils avaient droit en leur qualité de boucaniers et de Frères de la Côte ; en un mot, ils ne reconnaissaient plus de supérieurs, mais seulement des chefs temporaires, choisis par eux pour exécuter un coup de main, ou tenter une de ces audacieuses expéditions, dont les flibustiers s’étaient donné le monopole
35.
Un flibustier ne peut, sous peine d’infamie, abandonner son matelot en péril ; il doit combattre pour lui, le soigner s’il est blessé, le porter sur ses épaules pendant les marches ; mourir avec lui si la circonstance l’exige, plutôt que de le laisser tomber aux mains de l’ennemi ; et tout cela sans discussion comme sans hésitation
36.
Aucune maison ne fermait ; tout flibustier, que le maître y fût ou n’y fût pas, avait le droit d’entrer, de se faire servir par les engagés ce que bon lui semblait et même d’y demeurer tout le temps qu’il lui plaisait, sans que jamais le propriétaire le trouvât mauvais, ou fît même la plus légère observation à son hôte sur la durée de son séjour
37.
Quelques instants plus tard les flibustiers se séparèrent
38.
L’Olonnais apprit plus tard que Vent-en-Panne avait reçu une invitation du duc, mais que le vieux flibustier l’avait déclinée, sous le singulier prétexte qu’il était très fatigué de son voyage à la recherche du Robuste
39.
Enfin, quand le duc proposa la santé que nous avons enregistrée plus haut, le flibustier anglais retourna son verre sur la table et se renversa sur le dossier de sa chaise en haussant les épaules
40.
En sortant de la maison du duc de la Torre, les deux flibustiers s’étaient dirigés à grands pas et sans échanger un seul mot du côté de la mer
41.
Un éclair brilla dans l’œil du flibustier ; mais se remettant aussitôt :
42.
Tel était Bothwell : c’était plutôt un pirate avide, sanguinaire qu’un flibustier
43.
Pourquoi Bothwell le haïssait-il plus que les autres ? Ceci était un secret, connu des deux flibustiers seuls
44.
Bothwell avait continué, tout en se promenant, à s’éloigner de la maison du duc de la Torre, dont les contours s’effaçaient déjà dans les ténèbres, et dont les lumières étaient à peine visibles ; arrivé à un certain point du rivage, s’avançant un peu dans la mer et dessinant une espèce de cap de très médiocre étendue, le flibustier s’arrêta, jeta autour de lui un regard investigateur comme pour percer les ténèbres, et s’assurer que nul espion blotti dans l’ombre ne surveillait ses mouvements ; mais l’obscurité était profonde, il ne vit rien ; il prêta l’oreille, il n’entendit d’autre bruit que celui du ressac de la mer brisant contre les rochers de la côte, bruissant à travers les galets, et les chants avinés des buveurs dans les tavernes lointaines
45.
Le flibustier siffla alors doucement et d’une façon particulière à deux reprises différentes ; presque aussitôt un bruit de rames se fit entendre, et l’avant d’une pirogue grinça sur la plage
46.
– C’est bon ! il ne s’agit pas de cela ; garde tes réflexions pour toi, répondit sèchement le flibustier
47.
Les colons paisibles de Léogane les craignaient comme le feu, et à la dernière extrémité seulement, les flibustiers consentaient à les prendre comme matelots à bord de leurs navires
48.
Danican referma la porte, l’assujettit solidement au moyen d’une barre, puis il mit son fusil sous son bras et précéda le flibustier
49.
À l’entrée du flibustier, les inconnus interrompirent brusquement leur conversation
50.
– Vous mettriez le comble à votre obligeance, messieurs, s’il vous plaisait de me dire, reprit le flibustier, avec un nouveau salut, quel est le félin qui, revenu à la vie sauvage, fait les plus grands dégâts dans les bois
51.
Telle était la jeune fille qui avait entrouvert la porte du salon et était apparue à l’improviste aux regards émerveillés des trois flibustiers réunis dans un sinistre conciliabule
52.
J’aime l’or, je ne m’en cache pas ; je ne me suis fait flibustier que pour en amasser en peu de temps, le plus possible ; mais je ne suis pas un niais facile à piper ; avant de quitter la Jamaïque et de me rendre ici, où vous m’aviez assigné rendez-vous, je suis allé tout droit chez le banquier auquel, me disiez-vous, toujours dans votre lettre, les 200 000 livres avaient été confiées par vous, pour être mises à ma disposition après le succès de l’affaire en question
53.
D’où veniez-vous ? Quels noms portiez-vous alors ? peut-être pourrais-je vous le dire, et plus encore, si cela me convenait ; mais je n’aime pas à me mêler de ce qui ne me regarde pas ; d’ailleurs, dans les îles, nous ne demandons jamais compte à personne de sa vie passée ; son présent seul nous importe : nous acceptons chacun pour ce qu’il lui plaît de paraître ; vous vous faites passer pour des flibustiers de Saint-Christophe, on ne vous en a pas demandé davantage ; il n’en manque pas parmi nous ; cependant le bruit court que vous êtes dans les meilleurs termes avec les gavachos ; quelques-uns de nous croient même vous avoir aperçus à la Havane, seuls vous pourriez répondre à cette allégation ; il est certain pour nous tous qu’un grand intérêt vous a conduits dans les îles
54.
– Comment ? que vous importe que nous enlevions l’île de la Tortue aux flibustiers ?
55.
D’abord je suis moi-même un flibustier ; pour rien au monde je ne consentirai à laisser trahir mes frères au profit de ces Gavachos maudits que je méprise encore plus que je les déteste
56.
Croyez-moi, soyez franchement flibustiers, puisque quant à présent vous ne pouvez pas être autre chose ; il est bon d’avoir des amis vaillants et résolus
57.
Que nous importe l’Espagne ? c’est des flibustiers que nous devons avoir souci
58.
Mais le boucanier connaissait le pays ; sans hésiter une seconde, il tourna à droite et s’engagea à grands pas sous le couvert, suivi de près par Bothwell ; si le capitaine ne l’avait pas eu pour guide, il aurait été fort empêché pour se diriger au milieu de ces ténèbres, dans cette partie de l’île, où jamais il n’était venu, bien que le célèbre flibustier eût maintes fois relâché dans presque tous les ports de Saint-Domingue
59.
Ils doublèrent le pas ; de leur côté les flibustiers les avaient aperçus, et s’avançaient vers eux
60.
L’adresse des flibustiers était proverbiale ; ils coupaient, sur l’arbre, la queue d’une orange, avec une balle, à cent cinquante pas ; leurs fusils, fabriqués exprès pour eux, par deux armuriers spéciaux, de Nantes et de Dieppe, Brachie et Gelin, avaient une portée extraordinaire et une justesse remarquable ; de plus ils se servaient d’une poudre excellente, nommée poudre de flibuste, que seuls, ils possédaient ; aussi, huit fois sur dix, les duels simples entraînaient-ils mort d’homme
61.
La balle de l’Olonnais avait brisé le fusil de Bothwell dans ses mains, le flibustier tenait encore entre ses doigts crispés la crosse de son arme
62.
Le beau Laurent, Michel le Basque, et les autres flibustiers, comme cela avait été convenu, restaient à l’écart ; ils ne semblaient aucunement se préoccuper des péripéties du duel, bien qu’en réalité, il les intéressât au plus haut point, à cause de la vive sympathie que leur inspirait l’Olonnais
63.
Bothwell, en proie à une rage folle mais contraint de la contenir, se mordait les lèvres jusqu’au sang en jetant des regards farouches sur les Frères de la Côte, dont il était entouré ; Montbars et ses amis, le front pâle, le sourcil froncé sous le poids de quelque pensée secrète, fixaient le flibustier, avec une expression d’indicible tristesse ; l’Olonnais essayait vainement de découvrir Fleur-de-Mai : la jeune fille avait disparu avec la rapidité d’une biche effarouchée, sans laisser de traces de sa fuite
64.
– Le conseil des douze ! murmura le flibustier, avec une surprise mêlée d’épouvante, que me veut le conseil ?
65.
– Le conseil, reprit froidement le Frère de la Côte, considérant que tu as, de parti pris, violé les lois de l’hospitalité, en te faisant inviter chez le duc de la Torre, dans le but hautement avoué par toi, de chercher querelle à l’un de tes frères, se trouvant en même temps que toi assis à la table du duc ; le conseil considérant que, sans provocation aucune, tu as insulté l’Olonnais, contre lequel, ne le connaissant pas, tu ne saurais nourrir aucun sentiment de haine ; considérant en sus, qu’en agissant ainsi, tu as manqué à ton serment, par lequel tu es obligé à voir dans tout flibustier, un ami, un frère, avec lequel il t’est interdit formellement d’avoir une querelle, sans l’assentiment du conseil et pour des motifs sérieux ; ledit conseil te déclare chassé de l’association ; comme tel déchu de tous les droits et prérogatives dont tu jouissais en qualité de Frère de la Côte ; ordonne que tous les ports occupés par les flibustiers te seront interdits ; que tous les rapports seront rompus avec toi, comme ayant forfait aux lois et à l’honneur de l’association
66.
Les voyageurs ouvrirent leurs bissacs, en retirèrent des biscuits de mer, de longues tranches de viande boucanée, et flibustiers et engagés commencèrent à déjeuner de bon appétit et de compagnie, selon la coutume des Frères de la Côte, arrosant leur frugal repas d’eau-de-vie coupée d’eau pour en enlever la crudité
67.
– Oui, dit le flibustier avec émotion, tu dois bien souffrir en effet, pour pleurer ainsi ; les larmes retombent sur le cœur et le brûlent ; il est vrai, ajouta-t-il avec une expression étrange, qu’elles le dessèchent, et qu’au bout de quelque temps le cœur n’est plus qu’un viscère insensible
68.
Le flibustier était pâle comme un suaire, ses traits étaient décomposés, son visage inondé de larmes
69.
– Ni moi non plus, répondit le flibustier en éclatant d’un gros rire, ressemblant à un sanglot
70.
Nous ne répéterons rien de cette confidence, tous ces événements étant déjà connus du lecteur ; ce récit, souvent interrompu par le flibustier, se prolongea assez avant dans la nuit ; lorsque enfin il fut terminé, Vent-en-Panne ouvrit ses bras au jeune homme et, les yeux pleins de larmes :
71.
– Maintenant que nous nous entendons, car nous nous entendons, n’est-ce pas ? dit le flibustier
72.
– Maintenant, continua le flibustier, toute explication devient inutile entre nous ; il n’est plus nécessaire de revenir sur ce sujet ; compte sur moi dans l’occasion, comme de mon côté, je compterai toujours sur toi
73.
La plus grande partie de la journée s’était écoulée, les deux flibustiers avaient fait une excellente chasse ; comme ils s’étaient un peu plus avancés qu’ils n’en n’avaient eu d’abord l’intention, déjà ils se préparaient à retourner sur leurs pas et à regagner la ville, lorsque tout à coup, au moment où ils allaient se lever, car ils s’étaient assis, depuis une demi-heure, au pied d’un arbre, pour se reposer du violent exercice auquel depuis plusieurs heures ils s’étaient livrés, lorsque tout à coup, disons-nous, ils entendirent plusieurs détonations mêlées à des cris d’angoisse, des appels au secours, des menaces et des malédictions proférées en espagnol
74.
– Ces drôlesses se fourrent partout ! fit le flibustier de son air tranquille ; cordieu ! celle-là a une belle voix ; elle crie comme un aigle ! Bah ! que nous importe ? à quoi bon nous mêler de ce qui ne nous regarde pas ?
75.
Par un juste retour des choses d’ici-bas, les boucaniers s’étaient emparés d’un grand nombre de ces chiens, dont ils se servaient pour la chasse aux taureaux sauvages et aux sangliers, et que, de plus, ils avaient dressés à attaquer les Espagnols ; les flibustiers avaient acquis ainsi de rudes auxiliaires, dans leurs continuelles escarmouches avec leurs ennemis dans les savanes, car ces chiens étaient excessivement redoutables
76.
Les hardis flibustiers s’étaient alors offerts tout naturellement, pour escorter l’hôte de la colonie, et lui faire les honneurs de la savane
77.
Enfin, à bout d’arguments, les flibustiers cédèrent aux instances de M
78.
Bien que les Espagnols semblassent beaucoup plus nombreux qu’ils ne l’étaient en réalité, à cause de la position qu’ils occupaient, au milieu des taillis et des fourrés, ce qui leur donnait le double avantage d’être presque à l’abri des balles, et de dissimuler leur nombre, après un instant de désordre inévitable, les flibustiers reprirent tout leur sang-froid et leur assurance ordinaire ; loin de se décourager et de témoigner le moindre effroi, ils résolurent aussitôt de se défendre vaillamment : convaincus qu’au bruit connu des détonations des Gelins, ceux des leurs, disséminés dans la savane, accourraient à leur aide
79.
Le célèbre flibustier se mit froidement et le sourire aux lèvres à organiser la défense, sous le feu même de l’ennemi
80.
L’ordre cruel de leur chef fut exécuté sans hésitation ; les malheureux chevaux, égorgés par les engagés, furent amoncelés et formèrent bientôt, avec leurs cadavres pantelants, un abri derrière lequel les flibustiers s’agenouillèrent et ouvrirent un feu d’autant plus terrible contre leurs ennemis, que, grâce à leur adresse extraordinaire, chaque coup abattait un homme
81.
Tributor, tout en courant, avait même rallié quelques Frères de la Côte ; ceux-ci n’avaient pas hésité à se joindre à un chef aussi célèbre que Vent-en-Panne ; de sorte que le flibustier se trouvait en réalité accompagné d’une douzaine de boucaniers, mais il n’y songeait guère
82.
Tout en se disant ceci, et bien d’autres choses encore, le vieux flibustier redoublait d’efforts pour atteindre ceux qu’il apercevait au loin glisser sous le couvert comme des fantômes
83.
Vent-en-Panne s’arrêta, rallia son monde ; au lieu de courir, comme ils avaient fait jusqu’à ce moment, les flibustiers continuèrent leur marche en prenant toutes sortes de précautions pour ne pas être découverts
84.
De l’endroit où se trouvaient les flibustiers, les Espagnols étaient parfaitement visibles, ainsi que nous l’avons dit
85.
– Oui, oui, répondirent les flibustiers d’une voix contenue
86.
Après avoir déchargé leurs fusils contre les flibustiers, ils échangèrent quelques rapides paroles à voix basse ; et se séparant brusquement ils s’élancèrent à corps perdu dans les broussailles, en ayant soin de prendre chacun une direction différente
87.
L’homme auquel Vent-en-Panne s’était attaché, parce qu’il se trouvait plus près de lui, détalait avec une vélocité véritablement extraordinaire ; tout en profitant de tous les accidents de terrain, des rochers ou des buissons qu’il rencontrait sur son passage, pour charger son fusil et faire feu, presque au juger, avec une adresse remarquable, sur les flibustiers acharnés à la poursuite
88.
Le fugitif avait blessé déjà trois ou quatre flibustiers plus ou moins grièvement ; il se rapprochait rapidement des rives de l’Artibonite ; s’il réussissait à franchir cette rivière, son salut devenait presque certain ; en admettant que ses forces ne le trahissent pas, il lui serait alors facile de s’engager dans les mornes, et de s’y cacher au fond de retraites inconnues, où il serait à l’abri de toutes poursuites
89.
Au même instant le fusil de Vent-en-Panne se leva, une détonation retentit et l’Espagnol roula sur le sable ; en moins de cinq minutes les flibustiers furent sur lui ; ils le garrottèrent sans résistance de sa part : il était évanoui
90.
Quelques minutes s’écoulèrent pendant lesquelles le flibustier, dont sans doute les souvenirs s’éveillaient en foule, sembla complètement oublier le lieu où il se trouvait et les hommes dont il était entouré
91.
Les flibustiers courbèrent la tête et s’éloignèrent sans insister
92.
Nous ne ferons pas ici le portrait du Poletais ; ceux de nos lecteurs qui ont lu nos précédents ouvrages sur les flibustiers connaissent depuis trop longtemps cette figure originale, pour qu’il soit nécessaire de la peindre de nouveau
93.
Cette sauce, appelée pimentade, et inventée par les flibustiers, était d’un très haut goût, elle jouissait d’une grande réputation parmi eux
94.
Quant à l’Olonnais, il n’avait pas voulu, sous aucun prétexte, se séparer de ses nouveaux compagnons ; mais il chargeait Tributor de rassurer son matelot, et de lui dire qu’il n’avait jamais été si heureux ; phrase qui fit froncer les sourcils aux vieux flibustier, et sembla lui donner fort à penser ; il eut même un moment d’hésitation et parut vouloir reprendre le chemin du Port-Margot
95.
Les venteurs, dont il était connu, se contentèrent de dresser les oreilles, sans aboyer ; l’un d’eux se leva, vint le caresser, et, sans y être autrement invité, se mit de sa propre volonté à la suite du flibustier
96.
Depuis plus de deux heures, sans s’en apercevoir, le flibustier marchait ainsi à l’aventure, étranger à tout ce qui l’entourait et conversant avec son cœur, lorsque soudain il s’arrêta, ou plutôt son chien l’arrêta, en venant se placer devant lui
97.
Cependant, vers le milieu du courant, l’eau montait si bien que le flibustier en eut presque jusqu’aux aisselles ; malgré cela, il continua à marcher en avant, sans prendre d’autre précaution que de lever les bras en l’air, afin de garantir son fusil et ses munitions de tout contact avec l’humidité
98.
Le flibustier marchait déjà depuis une demi-heure, sans qu’il se fût, en apparence, beaucoup rapproché de l’endroit qu’il voulait atteindre
99.
Le flibustier, ignorant à qui il aurait affaire, et ne voulant pas être pris à l’improviste, se jeta derrière un quartier de roc, et s’y embusqua, de manière à voir, sans être vu lui-même, les gens dont les pas se rapprochaient rapidement, et qui n’allaient pas tarder à passer devant lui
100.
En effet, quelques minutes s’étaient à peine écoulées, que quatre individus portant le costume espagnol, et marchant à la suite les uns des autres, débouchèrent d’un chemin creux ; ils passèrent si près du flibustier que leurs manteaux frôlèrent le roc derrière lequel il était tapi ; ces hommes étaient armés, ils paraissaient appartenir à la classe supérieure de la société ; ils allaient d’un, pas presque gymnastique, sans échanger une parole