1.
Et il songeait déjà à déléguer Tintin ou La Crique pour attirer Bédouin hors des lieux où devait se cacher Lebrac, en poussant à l’adresse du garde quelques séries d’épithètes colorées et fortes, telles : vieille tourte, enfifré, sodomiss, vérolard d’Afrique et autres qu’ils avaient retenues au passage de certaines conversations entre les anciens du village
2.
Sous les multiples feux de tous ces regards, Lebrac, bien qu’il fût loin d’être timide, rougit jusqu’au bout des oreilles ; son orgueil de mâle et de chef souffrait horriblement de sa défaite et de cette sorte de déchéance passagère, et ce fut bien pis encore quand sa bonne amie, la soeur de Tintin, lui jeta au passage un regard de tendresse aux abois, un regard désolé, inquiet, humide et tendre qui disait éloquemment toute la part qu’elle prenait à son malheur et tout l’amour qu’elle gardait envers et malgré tout pour l’élu de son coeur
3.
– Ce qu’elle va être contente, la Marie, mon vieux, quand j’y dirai, reprit Tintin, qui songeait avec émotion que sa soeur partageait toujours avec lui régulièrement ses desserts
4.
Tintin dut le pousser pour le faire agenouiller, lever et asseoir aux moments désignés par le rituel et il jugea de la terrible contention d’esprit de son chef à ce que celui-ci ne jeta pas une seule fois les yeux sur les gamines, qui, elles, de temps en temps, le reluquaient pour voir « quelle gueule qu’on fait » quand on a reçu une bonne volée
5.
Tintin, dès son entrée dans la cour, lui transmit de nouveau, confidentiellement, les serments d’éternel amour de sa soeur et les offres plus terre à terre, mais non moins importantes, de réparation mobilière des vêtements le cas échéant
6.
– Prends mon fiautot(1), fit Tintin à Boulot, et grimpe sur le chêne que voilà
7.
Et, lui en tête, Tintin le suivant, puis La Crique, puis les autres, au petit bonheur, tous, le bâton à la main droite, le mouchoir lié aux quatre coins et plein de cailloux à l’autre, ils avancèrent lentement, leurs formes fluettes ou rondouillardes, légèrement frissonnantes, se découpant en blanc sur la couleur sombre du défilé
8.
Lebrac, lui, avait enfilé la Grande Tranchée avec Tintin et Grangibus
9.
– J’avais la peau comme une poule déplumée, moi, déclara Tintin, et le zizi qui fondait « si tellement » que y en avait pus
10.
Il y a la Marie de chez Tintin qui a dit qu’elle viendrait recoudre le fourbi de ceux qui seraient pris ; comme ça, vous voyez, on pourra y aller carrément
11.
Boulot, frileux, avait rabattu sur ses oreilles son béret bleu ; Tintin avait baissé les oreillères de sa casquette ; les autres aussi s’ingéniaient à lutter contre les épines de la bise ; seul, Lebrac, nu-tête, tanné encore du soleil d’été, la blouse ouverte, faisait fi de ces froidures de rien du tout, comme il disait
12.
– Ce serait épatant ça, approuva Tintin
13.
C’est Tintin qui doit l’être
14.
Tintin fut élu par acclamations et, comme tout était réglé ou à peu près, on alla voir au Gros Buisson ce que devenaient les trois sentinelles que, dans la chaleur de la discussion, on avait oublié de rappeler
15.
Tétas n’avait rien vu et ils blaguaient en fumant des tiges de clématite ; on leur fit part de la décision prise, ils approuvèrent, et il fut convenu que dès le lendemain tout le monde apporterait à Tintin sa cotisation, en argent ceux qui pourraient, et en nature les autres
16.
Tintin, dès son arrivée dans la cour de l’école, commença par prélever, auprès de ceux qui avaient leurs cahiers, une feuille de papier brouillard afin de confectionner tout de suite le grand livre de caisse sur lequel il inscrirait les recettes et les dépenses de l’armée de Longeverne
17.
Le budget fut voté ainsi ; Tintin ajouta qu’il prenait note des boutons et des ficelles que lui avaient remis les payeurs en nature et que, le lendemain, son carnet serait en ordre
18.
On applaudit à cette offre généreuse et la Marie Tintin, bonne amie comme chacun savait du général Lebrac, fut acclamée cantinière d’honneur de l’armée de Longeverne
19.
Camus annonça également que sa cousine, la Tavie(1) des Planches, se joindrait aussi souvent que possible à la soeur de Tintin, et elle eut sa part dans le concert d’acclamations ; Bacaillé, toutefois, n’applaudit pas, il regarda même Camus de travers
20.
Son attitude n’échappa point à La Crique le vigilant et à Tintin le comptable et ils se dirent même qu’il devait y avoir du louche par là-dessous
21.
Aussi, comme Tintin se trouvait être en classe le voisin du chef, et que l’un pincé, l’autre pourrait se trouver compromis et fort embarrassé pour expliquer la présence dans sa poche d’une somme aussi considérable, il lui confia qu’il eût, durant le cours de la séance, à se méfier du « vieux » dont les intentions ne lui paraissaient pas propres
22.
À onze heures, Tintin et La Crique se dirigèrent vers la maison de la Jullaude, et, après avoir salué poliment et demandé un sou de boutons de chemises, ils s’enquirent du prix de l’élastique
23.
La débitante, au lieu de leur donner le renseignement sollicité, les fixa d’un oeil curieux et répondit à Tintin par cette doucereuse et insidieuse interrogation :
24.
– Ce qu’il y a encore de mieux, répliqua Tintin, vois-tu, c’est d’envoyer ma soeur Marie chez la mère Maillot
25.
Dans la cour de l’école, dans le coin du fond, tous les yeux des présents fixaient obstinément et impatiemment la porte, espérant d’instant en instant l’arrivée de Tintin
26.
Chacun savait déjà que la Marie s’était chargée de faire elle-même les achats et que Tintin l’attendait derrière le lavoir, pour recevoir de ses mains le trésor qu’il allait bientôt présenter à leur contrôle
27.
Allez, faites le cercle ! Tintin va tout nous montrer
28.
Mais Lebrac fut intraitable et défendit à Tintin de rien sortir de sa « profonde » avant qu’il ne fût absolument dégagé
29.
– Un bon mètre de lastique ! Et Tintin l’étendit pour faire voir qu’on n’était pas grugé
30.
Puis il fit exhiber à Tintin les diverses pièces du trésor de guerre afin que les camarades fussent tous tranquilles et bien affermis, et il donna le signal de la marche en avant, lui prenant la tête et comme toujours servant d’éclaireur à sa troupe
31.
Tintin, par derrière, se mangeait les sangs à les voir ainsi se trémousser et s’agiter
32.
Et Tintin, en arrière, ne tenait pas en place
33.
Le tricot, le gilet, la blouse et la chemise furent à leur tour échenillés méthodiquement ; on trouva même dans le gousset du « mecton » un sou neuf qui alla, dans la comptabilité de Tintin, se caser au chapitre : « Réserve en cas de malheur
34.
Le mouchoir de Tintin formait tampon sur la poche des boutons
35.
Et il se précipita pour constater de ses propres yeux la nature du délit, peu confiant qu’il était, malgré toutes ses leçons de morale et l’histoire de George Washington et de la hachette, dans la sincérité de Tintin ni des autres compères
36.
– Qu’est-ce que vous faites de tous ces boutons dans votre poche ? fit le père Simon à Tintin
37.
Mais en regagnant sa place, sans doute pour se venger, la vieille rosse ! il déchira en deux la belle image de la Marie Tintin, et Lebrac en devint pourpre de rage et de douleur
38.
– Pourvu qu’il ne dise rien chez nous, pensait Tintin, et il confia son angoisse à Lebrac
39.
– Mais non ! tu ne risques rien, Tintin, reprirent en choeur les autres camarades pour le consoler, le rassurer et l’engager à conserver par devers soi ce capital de guerre, source à la fois d’ennuis et de confiance, de vicissitudes et d’orgueil
40.
Ce que c’est chic, tout de même, une partie de billes, pensaient Tintin et Lebrac copiant pour la troisième fois : « Mirabeau en naissant avait le pied tordu et la langue enchaînée
41.
Et la Marie Tintin exhiba aux guerriers ébahis et figés d’admiration un sac à coulisses en grisette neuve, grand comme deux sacs de billes ordinaires, un sac solide, bien cousu, avec deux tresses neuves qui permettaient de serrer l’ouverture si étroitement que rien n’en pourrait couler
42.
Dix minutes après, en effet, Lebrac et Tintin, entièrement dégoûtés de Mirabeau jeune au pied tordu et
43.
Dès qu’il eut dépassé la première maison, Marie sortit enfin le fameux sac et Tintin, vidant ses poches, étala sur le tablier de sa soeur tout le trésor qui les gonflait
44.
Tintin, les coulisses serrées, levait à hauteur de son oeil, comme un ivrogne son verre, le sac rempli, soupesant le trésor et oubliant dans sa joie les punitions et les soucis que lui avait déjà valus sa situation, quand le « tac, tac, tac, tac, tac » des sabots de La Crique, frappant le sol à coups redoublés, lui fit baisser le nez et interroger le chemin
45.
On entendait déjà au contour les claquements de fouet du père Tintin
46.
Tout en ayant l’air de ne s’intéresser qu’à son travail, la soeur de Tintin ne manqua pas d’observer en dessous la mine de son père, et elle ne douta nullement qu’il y aurait du grabuge quand elle eut saisi le coup d’oeil qu’il lança pour savoir si son fils se trouvait encore à fainéanter au seuil de la porte
47.
Tintin obéit en prenant un air aussi surpris et aussi innocent que possible
48.
Et Tintin, noblement, en victime odieusement calomniée, plongea sa main dans sa poche droite d’où il retira un bout de guenille sale servant de mouchoir, un couteau ébréché dont le ressort ne fonctionnait plus, un bout de tresse, une bille et un morceau de charbon qui servait à tracer le carré quand on jouait aux billes sur un plancher
49.
Tintin retourna la doublure noire de crasse pour bien montrer que rien ne restait
50.
La même opération recommença : Tintin successivement aveignit un bout de réglisse de bois à moitié rongé, un croûton de pain, un trognon de pomme, un noyau de pruneau, des coquilles de noisette et un caillou rond (un bon caillou pour la fronde)
51.
La mère Tintin rentrait à ce moment
52.
– Ah ! sacré arsouille ! Je vais t’apprendre un peu l’ordre et l’économie, et « pisse que » les mots ne servent de rien, c’est à coups de pied au derrière que je vais t’instruire, moi, tu vas voir ça, gronda le père Tintin
53.
C’est vrai que Tintin ne peut plus guère les conserver puisqu’on le soupçonne
54.
– Tintin aussi est un bon soldat, et il avait bien accepté !
55.
– Ce serait rudement bien, reprit Tintin, une vraie cabane, avec des lits de feuilles sèches pour s’y reposer, un foyer pour faire du feu, et faire la fête, quand on aura des sous
56.
– Il faut trouver l’endroit tout de suite, fit Tintin, qui tenait à être le plus tôt possible fixé sur les destinées de son sac
57.
– Ne lui dis pas, souffla Tintin en le poussant du coude pour lui remettre en mémoire une ancienne suspicion
58.
Toute l’armée revint près de Camus, lequel était descendu de l’arbre pour garder momentanément le sac confectionné par la Marie Tintin et qui contenait le trésor deux fois sauvé déjà et quatorze fois cher de l’armée de Longeverne
59.
Il chargea l’un des guerriers de trouver un marteau, un autre des tenailles, un troisième un marteau de maçon ; lui, apporterait une hachette, Camus une serpe, Tintin un mètre (en pieds et en pouces) et tous, ceci était obligatoire, tous devaient chiper dans la boîte à ferraille de la famille au moins cinq clous chacun, de préférence de forte taille, pour parer immédiatement aux plus pressantes nécessités de construction, savoir entre autres l’édification du toit
60.
Après avoir pris ses mesures, il avait ébauché son châssis et maintenant il l’assemblait à force de clous avant de l’ajuster dans les entailles creusées par Tintin
61.
Et jusqu’à la nuit, jusqu’à la nuit noire, même après le départ du gros de la bande, il resta là encore avec Camus, La Crique et Tintin pour tout mettre en ordre et tout prévoir
62.
Et au rythme imprimé par ce commandement réciproque, vingt bras crispant ensemble leurs muscles vigoureux enlevaient l’assemblage et le portaient au-dessus de la carrière, afin de bien poser les poutrelles dans les entailles creusées par Tintin
63.
Avant de le déposer dans le caveau, il l’offrit une dernière fois à l’adoration des fidèles, vérifia les livres de Tintin, compta minutieusement toutes les pièces, les laissa regarder et palper par tous ceux qui le désirèrent et remit sacerdotalement le tout dans son autel de pierre
64.
« Pour les achats, voici comment il faudra faire : moi j’achèterai une plaque de chocolat, Grangibus une autre, Tintin la troisième ; La Crique ira chercher les sardines, Boulot les bonbons et Gambette la réglisse
65.
Aussi le jeudi après-midi, Lebrac, Camus, Tintin, La Crique et Grangibus, lesquels avaient pris les devants, reçurent-ils leurs camarades qui arrivaient l’un après l’autre ou par petites bandes avec les poches garnies et bourrées, mais bourrées à taper
66.
Pendant ce temps, Lebrac, Tintin, Grangibus et La Crique, après avoir calculé le nombre de pommes et de morceaux de sucre auxquels chacun aurait droit, s’occupaient à un équitable partage des tablettes de chocolat, des petits bonbons et des bouts de réglisse
67.
Délicatement, avec le couteau, il prenait dans la boîte que portait Tintin et mettait sur le pain de chacun la portion légale
68.
Ainsi, dans le recoin du fond qu’abritait la grange du père Gugu, Lebrac, Grangibus, Tintin et Boulot continuaient à se congratuler et se féliciter et se louer de la façon admirable dont ils avaient passé leur après-midi du jeudi
69.
Tour à tour, Tintin, La Crique, Lebrac, les deux Gibus confirmèrent les dires de Camus et n’eurent pas assez de termes énergiques congruents pour flétrir l’acte malpropre et de mauvaise camaraderie de Bacaillé
70.
Tintin avait communiqué à La Crique le voeu de Camus, lui souffler, consigne presque inutile puisque La Crique était très équitablement, comme on l’a vu déjà, le souffleur attitré de toute la classe
71.
Il avait beau lui enfoncer ses poings dans le ventre, lui lancer des crocs-en-jambe à faire trébucher un éléphant (un petit), lui bourrer le menton de coups de tête et les chevilles de coups de sabots, l’autre, patient comme une bonne brute, l’étreignait par le milieu du corps, le serrait comme un boudin et le pliait, le balançait, tant et si bien que, vlan ! ils basculèrent enfin tous deux, lui dessus, Tintin dessous, parmi les groupes s’entrecognant épars sur le champ de bataille
72.
Les vainqueurs, dessus, grognaient, menaçants, tandis que les vaincus, parmi lesquels Tintin, silencieux par fierté, tapaient comme des sourds aussi fort que possible chaque fois qu’ils le pouvaient et n’importe où pour reconquérir l’avantage
73.
Tintin et Tatti étaient parmi les plus occupés
74.
Mais ce que Tintin, ni les autres Longevernes, ni les Velrans eux-mêmes trop préoccupés ne voyaient point, c’est que cet idiot de Tatti, qui n’était peut-être pas tout à fait aussi bête qu’on ne l’imaginait, s’arrangeait toujours pour faire rouler Tintin ou pour rouler lui-même du côté de la lisière du bois, s’isolant ainsi de plus en plus des autres groupes belligérants aux prises par le champ de bataille
75.
Le premier coup de cloche annonçant la prière, sonnant à on ne sait quelle paroisse, ayant instantanément désagrégé les groupes, les Velrans regagnant leur lisière, n’eurent pour ainsi dire qu’à cueillir Tintin gigotant de tous ses membres, le dos sur le sol où le maintenait son tenace adversaire
76.
Les Longevernes n’avaient rien vu de cette prise, lorsque, se retrouvant au Gros Buisson et procédant des yeux à un dénombrement mutuel, ils durent bon gré mal gré reconnaître que Tintin manquait à l’appel
77.
Ils crièrent, ils hurlèrent le nom de Tintin, et une huée moqueuse parvint à leurs oreilles
78.
Mais Tintin, ligoté, bâillonné derrière le rideau de taillis de la lisière, était long à revenir
79.
Tintin se rapprochait, hoquetant, ravalant sa salive, le nez humide des terribles efforts qu’il faisait pour contenir ses larmes
80.
– Ma culotte ! Ma culotte ! heu ! heue ! Ma culotte ! gémit Tintin, se dégonflant un peu dans une crise de sanglots et de larmes
81.
Vous voulez qu’on dise que les Longevernes se sont laissé chiper la culotte de Tintin tout comme un merdeux d’Aztec des Gués, vous voulez ça, vous ? Ah ! non ! nom de Dieu ! non ! jamais ! ou bien on n’est rien qu’une bande de pignoufs juste bons à servir la messe et à empiler du bois derrière le fourneau
82.
Tintin, nu-jambes, grelottait en pleurant au centre de ses amis
83.
– Voilà, reprit Lebrac qui avait ramassé ses idées et combiné son plan : Tintin va partir à la cabane rejoindre Boulot et attendre la Marie
84.
Tous furent culbutés du même coup et beugnés de coups de triques terribles, tandis que le chef, martelant de ses talons Touegueule épouvanté, lui reprenait d’un tour de main la culotte de son ami Tintin en jurant effroyablement
85.
Bientôt ils arrivèrent à la cabane où Gambette, Boulot et Tintin, ce dernier très inquiet sur le sort de son pantalon, entouraient la Marie qui, de ses doigts agiles, achevait de remettre aux vêtements de son frère les indispensables accessoires dont ils avaient été rudement dépouillés
86.
La Marie Tintin eut sitôt fait de remettre à la culotte de son frère les boutons qui manquaient et on la laissa, par prudence, partir seule un peu en avance
87.
heureuse d’avoir reconquis l’honneur et la culotte de Tintin
88.
On se garderait à carreau avec lui et sauf quelques irréductibles, dont La Crique et Tintin, le reste de l’armée et même Camus avait généreusement passé l’éponge sur cette scène regrettable, mais après tout assez habituelle, qui avait failli, à un moment critique, semer la discorde et la zizanie au camp de Longeverne
89.
S’il ne fut pas du combat fameux au cours duquel la culotte de Tintin, comme une redoute célèbre, fut prise et reprise, il ne songea point à s’en pendre, comme le brave Crillon, mais il vint à la Saute les soirs suivants et prit une part modeste et effacée aux grands duels d’artillerie, ainsi qu’aux assauts houleux et vociférants qui les suivaient généralement
90.
Camus avait une bosse épouvantable au front, une bosse avec une belle entaille rouge, qui avait saigné durant deux heures ; Tintin ne sentait plus son bras gauche ou plutôt il ne le sentait que trop ; Boulot avait une jambe toute noire
91.
Ainsi La Crique se faisait des lavages de camomille à la paupière et Tintin pansait son bras avec de la tisane de chiendent
92.
Tintin, son bras en écharpe, et La Crique, un bandeau sur l’oeil, deux des plus maltraités de la journée, revivaient avec délices les coups de pieds qu’ils avaient foutus et les coups de trique qu’ils avaient distribués avant de recevoir, l’un le poing de Touegueule dans l’oeil, l’autre le bâton de Pissefroid sur le radius
93.
– C’est-il vrai qu’ils vivent cent ans ces bêtes-là ? Je voudrais bien être que d’eux : ils voient du pays et ils ne vont pas en classe, envia Tintin
94.
Lebrac, selon son habitude, tenait la tête ; Tintin, au milieu de la colonne et sans avoir l’air de penser à rien, marchait à hauteur de Bacaillé sur qui il ne jetait même pas les yeux ; à l’arrière-garde, fermant la marche et ne perdant point de vue l’accusé, venaient La Crique et Camus dont les blessures étaient en bonne voie de guérison
95.
Vous avez bien vu que pour la culotte de Tintin ils n’avaient plus de triques en sortant du bois
96.
– Nous le jurons, firent ensemble Camus, Tintin et La Crique, levant la main droite préalablement mouillée de salive et crachant par terre, serment solennel
97.
Les ordres étant donnés, pendant que les soldats vaquaient à ces corvées réglementaires et pressées, il conféra avec les autres chefs : Camus, La Crique, Tintin, Boulot, Grangibus et Gambette
98.
– File chez nous, tout de suite, commanda sèchement à son fils le père Tintin, qui abreuvait ses bêtes
99.
oui, c’étaient bien les voix de ses amis : c’étaient les rugissements de Lebrac, les cris de putois de La Crique, les meuglements de Camus, les hurlements de Tintin, les piaillements de Boulot, les pleurs des autres et leurs grincements de dents : on les battait, on les rossait, on les étrillait, on les assommait !
100.
La Marie Tintin voulut intervenir directement